20 janvier 2010, 13:01
Posté dans : Collectivités, Interventions
Projet de loi de réforme des collectivités territoriales
séance du 19 janvier 2010
janvier 2010
Pour visualiser mon rapport, cliquer ICI
M. le Président, Messieurs les ministres, Chers collègues,
Le rapporteur de la commission des lois vient de vous présenter dans sa globalité la réforme des collectivités territoriales, qui est l’objet du projet de loi dont nous entamons la discussion. Il a notamment replacé ce projet dans l’ensemble législatif proposé par le Gouvernement, qui porte à la fois sur l’architecture territoriale, la démocratie locale et la redéfinition des compétences des différents niveaux de collectivités.
En tant que rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, je me limiterai à ce qui a justifié la saisine de la commission, c’est-à-dire d’abord au lien entre la réforme institutionnelle et la réforme des finances locales qui a été engagée, du fait de la suppression de la taxe professionnelle, par la loi de finances pour 2010 adoptée définitivement par le Sénat le 18 décembre 2009 et promulguée le 30 décembre 2009.
Le lien entre ces deux réformes est double :
– il est d’abord technique et, de ce point de vue, il convenait de rétablir une cohérence entre deux parcours législatifs. En effet, les deux textes ont été, par nécessité et par choix politique, élaborés par des administrations différentes. Le ministère des finances et la direction de la législation fiscale pour la réforme de la taxe professionnelle incluse dans la loi de finances ; le ministère de l’intérieur et la direction générale des collectivités locales pour le projet de réforme dont nous débattons. Ils ont aussi connu des calendriers parallèles d’examen, par les deux commissions saisies, et en séance publique. Le présent projet de loi a donc été examiné par la commission des lois avant que le Parlement ait statué sur la réforme de la taxe professionnelle et il n’a pas pu, en conséquence, prendre en compte les évolutions importantes apportées lors de l’examen de la loi de finances. Il faut, à cet égard, se réjouir que la discussion n’ait pas eu lieu le 15 décembre, comme initialement programmé, mais bien après la publication au Journal officiel de la loi de finances pour 2010. – le lien entre les deux réformes est aussi un lien de fond, et il convient de garantir la cohérence entre les regroupements institutionnels, les compétences des divers niveaux de collectivités et les moyens accordés pour assurer ces compétences. De ce point de vue, il est vrai que nous avons un peu commencé par la fin en définissant d’abord les attributions fiscales des collectivités. Mais, d’une part, cette situation était due à la nécessité de redonner rapidement des marges de compétitivité à nos entreprises, surtout dans le domaine industriel, et, d’autre part, grâce au Sénat, des clauses de rendez-vous ont été introduites dans le dispositif initial de suppression de la taxe professionnelle, qui permettront l’ajustement des différents volets de la réforme, y compris lorsque l’on aura traité de la nouvelle répartition des compétences. C’est bien dans l’esprit de mettre son expérience particulière de la loi de finances au service d’une coordination entre les différents volets de la réforme des collectivités territoriales que la commission des finances s’est saisie de ce texte. Aussi a-t-elle strictement limité sa saisine aux seuls articles ayant une incidence directe ou indirecte sur les finances des collectivités territoriales et des nouvelles structures institutionnelles prévues par le projet de loi. Il s’agit de l’article 5, relatif à l’organisation de la métropole, des articles 8, 9 et 10, relatifs à la création d’une commune nouvelle, à l’intégration fiscale des communes nouvelles et à l’adaptation du code général des collectivités territoriales à la création des communes nouvelles et, enfin, de l’article 35, concernant la clarification des compétences des collectivités territoriales, en ce qu’il aborde la question des financements croisés.
En ce qui concerne les métropoles, la commission des finances a considéré que nombre des amendements adoptés par la commission des lois ont nettement amélioré la rédaction du texte initial du gouvernement. Il en est ainsi notamment des modifications apportées à la définition des compétences, à la réintroduction, sur un périmètre bien défini, de la condition de l’intérêt communautaire et à la souplesse introduite pour le partage des services entre la métropole et les collectivités départementales et régionales. Toutefois, dans le domaine de la définition des recettes budgétaires et fiscales et du partage de ces recettes entre les communes membres et la métropole, la commission des finances n’a pas eu la même évaluation des enjeux de cette nouvelle structure intercommunale. Elle vous proposera donc sur plusieurs points, et au-delà des simples ajustements par rapport aux votes intervenus dans le cadre de l’examen de la loi de finances pour 2010, de modifier le texte adopté par la commission des lois. Le texte de la commission des lois est revenu très nettement sur les points les plus innovants du régime financier des métropoles : – premièrement, en réaffirmant le principe de la perception des impôts par les communes membres des métropoles, alors que le texte du gouvernement proposait de les affecter de droit et dans leur totalité aux métropoles ; – deuxièmement, en supprimant le principe d’une dotation de reversement de la métropole vers les communes membres – et, enfin, en prévoyant que le transfert de la dotation globale de fonctionnement des communes membres à la métropole s’effectue sur délibération concordante de l’organe délibérant de la métropole et des conseils municipaux. La commission des finances est, pour sa part, persuadée de la nécessité de doter les métropoles d’un dispositif fiscal et budgétaire très intégré. Cette intégration poussée va dans le sens des dispositions votées en loi de finances 2010, qui créent le régime nouveau des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) anciennement à taxe professionnelle unique (TPU). Pour compenser la disparition de la taxe professionnelle, ces EPCI se voient affecter des ressources fiscales nouvelles sur les entreprises (imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux, contribution économique territoriale) mais aussi sur les ménages, par le biais de la taxe d’habitation en provenance des départements. Ce régime s’appliquera aux communautés urbaines auxquelles le texte en discussion assimile les métropoles. Il est donc nécessaire d’aller encore plus loin vers l’intégration si l’on souhaite donner du sens à la nouvelle structure intercommunale que seront les métropoles. C’est ce qui justifie le transfert global de la fiscalité au niveau métropolitain, même si l’on peut comprendre le souhait d’acter ce transfert par une délibération des communes. Ce qui justifie aussi, la mise en place d’une première expérimentation de
la DGF territorialisée, qu’appelait de ses vœux la mission d’information présidée par notre collègue Claude Belot. La métropole bénéficie, en effet, d’une dotation globale de fonctionnement composée d’une dotation forfaitaire, d’une dotation de compensation et d’une dotation communale, somme des dotations dues aux communes membres de la métropole au titre de la dotation globale de fonctionnement. En parallèle, la compensation financière des transferts de compétences est organisée, dans le respect du principe de neutralité budgétaire, sous le contrôle d’une commission consultative d’évaluation des charges et par le moyen d’une dotation de compensation versée par la région et le département et d’une dotation de reversement à la charge de la métropole et à destination des communes. Même si, sans doute, certains aspects de son statut mériteraient d’être justifiés ou précisés, comme l’absence de notion de ville-centre, la métropole ne représente pas, aux yeux de la commission des finances, un « danger » pour l’équilibre institutionnel du territoire. Il convient de souligner, à cet égard, que la métropole est créée sur la base du volontariat, que ce statut n’est accessible, compte tenu des critères exigés, qu’à huit agglomérations : Lyon, Lille, Marseille, Bordeaux, Toulouse, Nantes, Nice et Strasbourg elles-mêmes déjà constituées en communautés urbaines. Dans ces conditions, la création de métropoles par transformation de communautés urbaines existantes ne pèsera pas sur l’ensemble de
la DGF des communes. La dotation métropoles, qui s’imputera sur la part intercommunalité de
la DGF, est en effet calée sur la dotation de type « communautés urbaines », qui a un caractère forfaitaire et ne varie pas en fonction du coefficient d’intégration fiscale. Si l’intercommunalité a effectivement un coût pour l’ensemble des collectivités en termes de ponction sur
la DGF, il serait profondément injuste de laisser croire que ce coût serait lié aux métropoles.
Le deuxième sujet dont s’est saisie la commission des finances, au sein du présent projet de loi, est celui de la création des « Communes nouvelles ». La volonté du Gouvernement est de donner un nouveau dynamisme au processus de fusions de communes. En effet, le paysage communal français est particulièrement morcelé, avec 36.686 communes, auxquelles s’ajoutent les structures intercommunales, et que cet émiettement est dans de nombreux cas préjudiciable à l’efficacité de l’action publique. Les plus petites communes notamment n’ont ni les moyens humains ni les moyens financiers de faire face aux charges qui leur incombent. La loi du 16 juillet 1971, dite « loi Marcellin », principale initiative prise pour remédier à l’émiettement communal, s’est soldée par un échec incontestable. En effet, depuis cette date, le nombre net de communes effectivement supprimées par application de la loi s’élève à 1.100, soit moins de 3 % du nombre actuel de communes. Pour répondre à un impératif de rationalisation, les articles 8 à 11 du projet de loi prévoient la possibilité de créer des « communes nouvelles », qui se substitueront à plusieurs communes et auront, seules, le rang de collectivités territoriales. Le dispositif d’incitation financière proposé par le Gouvernement créait un « bonus » de DGF pour les communes nouvelles. Comme l’a relevé la commission des lois, ce « bonus » aurait eu pour effet d’amputer
la DGF des autres communes – même si l’on peut penser que l’ampleur des regroupements de communes n’aurait pas été suffisante pour réduire sensiblement la DGF perçue par l’ensemble des autres communes. Le « bonus » a donc été supprimé. L’effet pervers de cette suppression est que l’on aboutit à un texte qui, aussi bien sur le plan procédural que sur le plan financier, est autant, voire plus strict que celui de la loi « Marcellin ». Si nous ne voulons pas, 39 ans plus tard, voter un dispositif qui connaîtra le même sort que cette loi, il me semble qu’il faut trouver de nouvelles incitations financières et, à tout le moins, éviter de pénaliser les regroupements de communes que nous appelons parallèlement de nos vœux. C’est dans cet esprit que la commission des finances vous proposera un amendement pour garantir aux communes qui se regroupent un montant de dotation de solidarité rurale (DSR) égal à celui qu’elles perçoivent actuellement. Il serait en effet absurde que des communes qui souhaitent se regrouper en soient dissuadées parce qu’elles ne satisferaient plus les seuils démographiques nécessaires pour bénéficier de certains avantages. Si c’était le cas, les communes qui se regroupent seraient pénalisées par une perte de dotations, et les regroupements bénéficieraient à l’ensemble des autres communes. Outre cet amendement, votre commission des finances a prévu, d’une part, les coordinations nécessaires avec la suppression de la taxe professionnelle et, d’autre part, des amendements de simplification du dispositif, concernant notamment l’indexation des dotations de l’Etat aux collectivités territoriales, qui sont aujourd’hui d’une complexité déjà très regrettable. Enfin, votre commission des finances s’est saisie de l’article 35, en ce qu’il aborde la question des cofinancements de projets par plusieurs collectivités territoriales. Dans la perspective du futur projet de loi précisant la répartition des compétences entre les différentes catégories de collectivités territoriales, l’article 35 propose d’établir dès maintenant certaines orientations de principe. Après avoir été profondément modifié par la commission des lois, il prévoit désormais, concernant la pratique des co-financements, que : – d’une part, « la pratique des financements croisés entre les collectivités territoriales est encadrée afin de répartir l’intervention publique en fonction de l’envergure des projets ou de la capacité du maître d’ouvrage à y participer » ; – et que, d’autre part, « le rôle du département dans le soutien aux communes rurales sera confirmé ». La commission des finances considère, et ce point a d’ailleurs été relevé par notre collègue rapporteur Jean-Patrick Courtois, qu’il s’agit d’une simple déclaration de principe, dépourvue de valeur normative. Elle a manifesté son intérêt pour un dispositif qui permettrait d’envisager, en fonction de l’envergure des projets et de la capacité du maître d’ouvrage à y participer, une intervention alternative de la région ou du département dans le financement d’un projet. Cette proposition paraît d’autant plus intéressante que les compétences des départements et des régions pourraient être strictement délimitées par le futur projet de loi, auquel cas le cumul de leurs participations financières n’aurait plus de justification. Il paraît toutefois difficile, sans connaître le contenu de ce futur projet de loi sur les compétences, de s’engager aujourd’hui dans une déclaration de principe telle que celle proposée par l’article 35. Les principes que nous poserons aujourd’hui en matière de répartition de compétences pourront toujours être modifiés par le texte qui traitera précisément de ce sujet. C’est la raison pour laquelle votre commission n’a pas jugé utile de proposer d’amendements sur cette partie du texte. Sous le bénéfice de ces observations et des amendements qu’elle vous présentera, votre commission des finances a donné un avis favorable à l’adoption des dispositions du projet de loi dont elle s’est saisie.
Tags : collectivités