24 juin 2010, 14:06
Posté dans : Collectivités, Rapports
Mon rapport pour avis du projet de loi de réforme des collectivités territoriales
Le texte de mon intervention en commission des finances le 23 juin 2010.
Monsieur le Président,
Mes chers collègues,
La commission des finances s’était saisie, en première lecture, des articles du projet de loi de réforme des collectivités territoriales qui avaient une incidence financière ou fiscale.
A ce titre, elle avait pris position, en particulier, sur la création des métropoles et la réforme de la procédure de fusion de communes par l’institution des communes nouvelles.
Mises à part les indispensables mesures de coordination rendues nécessaires par l’adoption, dans le cadre de l’examen de la loi de finances pour 2010, de la suppression de la taxe professionnelle et de la réforme de la fiscalité locale qui en a découlé, la commission des finances n’a pu faire prévaloir, en séance publique, sa conviction de la nécessité d’une réforme novatrice dans un contexte de grandes difficultés financières pour l’Etat et les collectivités territoriales.
La prise en considération de l’urgence d’une modification profonde des modes de gouvernance actuels aurait dû conduire, selon votre commission, à accepter, d’une part, de doter les métropoles d’un dispositif fiscal et budgétaire très intégré, qui les différencie nettement des communautés urbaines et, d’autre part, à ne pas entraver une dynamique de rationalisation du découpage territorial par la voie des communes nouvelles.
La commission des finances avait également examiné l’article 35 du projet de loi, relatif à la clarification des compétences des collectivités territoriales tout en considérant que ses dispositions restaient d’ordre général et peu opérationnelles. Elle n’avait pas estimé utile, à ce stade, d’en proposer la modification, compte tenu de leur absence d’impact sur les besoins de financement des différents niveaux de collectivités.
La suite de l’examen du projet de loi, à l’Assemblée nationale comme en commission des lois du Sénat, a apporté deux principaux éléments nouveaux sur lesquels la commission des finances est fondée à faire valoir une appréciation particulière :
– une position intermédiaire a été retenue par l’Assemblée nationale, mais repoussée par la commission des lois du Sénat, sur le régime financier et fiscal des métropoles ;
– des développements de nature normative sur la répartition des compétences entre les niveaux de collectivités territoriales et les règles applicables aux financements croisés ont été introduits dans le projet de loi.
La commission des finances s’est donc saisie des seules dispositions financières et fiscales. Il n’est pas question ici d’aborder par exemple le mode d’élection des conseillers territoriaux ou les règles de répartition des compétences entre les catégories de collectivités territoriales.
A. les métropoles (articles 5 et 5 bis a)
Concernant les métropoles, la commission des lois du Sénat a suivi une ligne de conduite visant à réduire au maximum les transferts de compétences ou de ressources financières entre les métropoles et les échelons « d’en dessous », c’est-à-dire les communes.
Il en a résulté notamment :
– le choix de ne permettre le transfert de la DGF des communes à la métropole qu’à l’unanimité des communes membres, et non à la majorité qualifiée, et de conserver dans cette hypothèse le principe d’une dotation de reversement qui pourra avoir une vocation péréquatrice ;
– la suppression du transfert à la métropole de la taxe foncière sur les propriétés bâties. Ce transfert avait été introduit à l’Assemblée nationale comme une position de compromis entre le texte initial du projet de loi.
En effet, entre la version initiale du projet de loi, qui accordait aux métropoles une double spécificité financière par le transfert de plein droit au niveau métropolitain de l’intégralité du produit de la fiscalité directe communale et le versement à la métropole sous forme d’une « dotation communale » de la DGF des communes membres, et la version de première lecture, issue des travaux du Sénat, le texte adopté par l’Assemblée nationale pouvait constituer une solution intermédiaire. Cette solution préservait l’autonomie communale tout en proposant un cadre novateur et ambitieux pour le régime financier de la métropole.
Le texte que nous examinons aujourd’hui nous propose finalement la création de métropoles qui se distinguent très peu des actuelles communautés urbaines, ce qui est regrettable et traduit un certain manque d’ambition.
Il ne m’a pas paru utile de présenter, au nom de la commission des finances, des amendements identiques à ceux que nous avions présentés en première lecture et qui n’avaient pas été retenus par le Sénat car on sait le sort qui leur serait réservé. Je me permettrai toutefois d’exprimer une certaine déception lors de mon intervention à la tribune.
Je vous proposerai donc d’adopter des amendements qui ont trois objectifs différents :
– d’une part, un amendement pour lever certains obstacles financiers à la création des métropoles, notamment en matière de régime des attributions du FCTVA ;
– d’autre part, un amendement pour tenter d’inciter davantage les communes à la territorialisation de la DGF, sans quoi je pense que cette possibilité ne sera jamais exploitée, ce qui serait regrettable ;
– enfin, des amendements pour limiter certains avantages dont pourraient bénéficier les métropoles au détriment des autres communes et intercommunalités alors qu’elles ne subissent aucune contrainte de plus que les communautés urbaines.
B. les coordinations avec la réforme de la taxe professionnelle (articles 5 bis et 5 ter)
Le Sénat avait adopté, en première lecture, des amendements proposés par notre commission pour effectuer des coordinations de forme entre le texte présenté et la réforme de la taxe professionnelle.
Ces articles additionnels ont été enrichis par l’Assemblée nationale, à l’initiative de sa commission des finances, toujours pour apporter des modifications de pure coordination. Je n’ai pas de remarques à formuler sur ces articles que je vous proposerai d’adopter sans modification.
C. La création des communes nouvelles (articles 8, 8 bis, 9 et 10)
Concernant les communes nouvelles, à part les modifications proposées par votre commission des finances en première lecture au Sénat, peu de changements de fond ont été apportés au texte depuis son premier examen par notre commission.
L’Assemblée nationale est toutefois revenue sur un élément qui avait été ajouté par le Sénat à notre initiative et relatif à l’indexation des montants de la part garantie de la DGF perçus par les anciennes communes l’année de création de la commune nouvelle. Sur ce point, je vous proposerai un amendement de compromis.
De manière générale, comme pour les métropoles, je ne peux que regretter que l’on aboutisse à un projet de texte peu ambitieux. Concernant les fusions de communes, ce que l’on nous propose est souvent plus contraignant que le dispositif de la loi Marcellin, qui date de 1971, et alors même que l’objectif était d’adopter un dispositif plus opérationnel.
D. le développement de l’intercommunalité (articles 34 ter à 34 quinquies)
Par rapport au texte adopté par le Sénat en première lecture, l’Assemblée nationale a modifié sur 4 points de nature financière les articles relatifs au développement et à la simplification de l’intercommunalité.
Deux de ces modifications me semblent satisfaisantes. Il s’agit :
– d’une part, de la suppression de l’article 34 ter, qui visait à réviser le montant de certaines attributions de compensation versées par un EPCI à une commune membre en fonction du coût de certains équipements transférés à l’EPCI, en l’occurrence des piscines. Le Sénat avait adopté un dispositif qui ne me paraissait pas juste, puisqu’il conduisait à faire supporter financièrement et à deux reprises, par l’EPCI, le coût des déficits de fonctionnement de certains équipements publics dont la réalisation avait été décidée par une des communes membres ;
– d’autre part, l’Assemblée nationale a adopté, avec les avis favorables de sa commission des lois et du Gouvernement, un amendement qui remédie aux incertitudes juridiques relatives aux règles de constitution de la commission locale chargée d’évaluer les transferts de charges entre un EPCI et ses communes membres. La loi précisera désormais que cette commission est « créée par le conseil communautaire qui en détermine la composition à la majorité simple ».
Sur ces deux points, je ne formule pas de souhaits de modification. Je vous proposerai en revanche d’adopter des amendements sur deux autres dispositions :
– d’une part, l’Assemblée nationale a prévu d’étendre le dispositif de territorialisation de la DGF proposé pour les métropoles à l’ensemble des EPCI. Ainsi, les communes membres d’un EPCI pourront, à l’unanimité, décider de transférer leur DGF à leur EPCI, en échange d’un reversement dont le montant global sera égal à la DGF transférée mais pourra se faire selon des règles plus péréquatrices entre collectivités territoriales. Pour que cette possibilité soit utilisée, je pense qu’il faut, comme pour les métropoles, prévoir un dispositif incitatif, via le FCTVA, que je vous proposerai par amendement ;
– d’autre part, l’Assemblée nationale adopté un article additionnel proposé par sa commission des lois visant à ouvrir la possibilité d’harmoniser les taux des différentes impositions directes locales (taxe d’habitation, taxe foncière sur les propriétés bâties et taxe foncière sur les propriétés non bâties) au sein d’une intercommunalité à fiscalité propre. Cette faculté nécessiterait l’unanimité de l’EPCI et de chacune des communes membres. C’est un dispositif qui me paraît intéressant et je vous proposerai un amendement pour le rendre plus opérationnel.
E. des règles normatives relatives aux compétences (articles 35 à 35 quinquies)
En première lecture, les dispositions relatives aux compétences étaient purement déclaratoires et nous n’avions donc pas proposé d’amender le texte sur ce point.
Mais l’Assemblée nationale les a intégralement transformées pour prévoir un dispositif désormais normatif dont les principaux éléments sont les suivants :
– les départements et les régions ne seront plus compétents que dans les domaines de compétences que la loi leur attribue ;
– est créée la possibilité, pour une région et les départements qui la composent, d’adopter des « schémas d’organisation des compétences et de mutualisation des services » afin de clarifier la répartition de leurs compétences ;
– les régions ne pourront participer qu’aux opérations « d’envergure régionale » menées par les départements, les communes ou les intercommunalités ;
– enfin, les collectivités maîtres d’ouvrage d’une opération d’investissement devront assurer une participation financière minimale à cette opération à hauteur de 20 % pour les communes de moins de 3.500 habitants et les EPCI de moins de 50.000 habitants et de 30 % pour les autres collectivités et EPCI.
Sur les questions traitant strictement de la répartition des compétences, j’ai pris acte de la position de la commission des lois du Sénat, qui a largement validé les dispositions insérées à l’Assemblée nationale.
En ce qui concerne la limitation des cofinancements dont la commission des finances s’est saisie, plusieurs ajustements me semblent devoir être adoptés :
– il n’y a pas de raison d’attendre l’élection des conseillers territoriaux pour permettre aux régions et aux départements de s’entendre sur la répartition de leurs compétences ;
– la notion, assez floue, de projets « d’envergure régionale » doit être clarifiée ;
– les modalités d’application de la règle de participation financière minimale du maître d’ouvrage au projet financé doit également être précisée.
Enfin, la commission des lois du Sénat a, de manière assez imprévue, supprimé l’article 34 quater qui avait été introduit à l’Assemblée nationale. Cet article visait à empêcher de cumuler les subventions départementales et régionales, sauf pour les projets décidés par les communes de moins de 3.500 habitants ou les EPCI de moins de 50.000 habitants. L’article prévoyait deux phases :
– entre le 1er janvier 2012 et le 1er janvier 2015, l’interdiction du cumul des subventions aurait été totale, sauf pour quelques secteurs exclus ;
– à partir du 1er janvier 2015, en revanche, les départements et les régions pouvaient se mettre d’accord, à travers les schémas de répartition des compétences dont nous avons parlé, sur l’organisation de leurs cofinancements. Et ce n’était qu’en l’absence d’une telle convention que le cumul des subventions serait interdit.
L’idée d’inciter les régions et départements à organiser leurs cofinancements à travers la négociation de schémas me semble devoir être promue. Par conséquent, la seconde phase prévue à compter du 1er janvier 2015 est intéressante et peut être reprise. En revanche, la période transitoire 2012-2014 semble excessivement contraignante et ne laisse pas suffisamment de place à la négociation au niveau local. Je vous proposerai donc un amendement pour rétablir l’article 34 quater ainsi modifié.
Merci de votre attention.