3 octobre 2014, 09:10
Posté dans : Actualités, Collectivités, Economie et finances

la péréquation horizontale en France

Texte de mon intervention lors du colloque du FONDAFIP au Maroc, les 12 et 13 septembre 2014

Mesdames et Messieurs les Ministres, Secrétaires généraux, parlementaires, élus et Chefs d’administration en vos titres et grades, Mesdames et Messieurs, Chers amis, je veux, tout d’abord, vous saluer.

Je voudrais aussi formuler toutes mes félicitations à Monsieur le Trésorier Général du Royaume, Noureddine BENSOUDA, et au Professeur Michel BOUVIER, Président du FONDAFIP, ainsi qu’à leurs équipes, pour la qualité de l’organisation et l’excellence de l’accueil que nous trouvons ici, sans oublier celle des débats. Je les remercie aussi de me laisser, depuis trois ans déjà, un espace où je puis me commettre.

Je vais donc vous donner cette fois mon point de vue d’élu depuis plus de trente ans, et de parlementaire aujourd’hui, sur la péréquation horizontale. Etant cependant précisé que ma vision est sans doute un peu altérée par une fréquentation sans doute excessive des milieux universitaires et des cabinets ministériels.

J’assumerai cependant ma schizophrénie.

Il est, bien sûr, nécessaire de régler, au départ, quelques ajustements sémantiques avant de progresser sur ce sujet central, mais aussi particulièrement récent, de la fiscalité locale française, et il est, tout aussi, intéressant de l’inscrire dans le temps, car cette inclusion dans notre système n’est pas le résultat d’un mouvement d’altruisme spontané pour la solidarité, ainsi que peut le deviner un public avisé comme le vôtre.

La finalité première de la péréquation est d’atténuer les disparités entre les collectivités par une redistribution des ressources en fonction d’indicateurs physiques et financiers, si je reprends la définition que nous lui donnons dans le rapport de l’Observatoire des Finances Locales.

Cette péréquation est mise en œuvre par des dispositifs « verticaux », lorsqu’elle est à l’initiative de l’Etat qui l’attribue de manière différenciée en fonction de critères de ressources et de charges ou de contraintes, soit elle l’est par des mécanismes « horizontaux », lorsqu’elle consiste à prélever une fraction des ressources fiscales de certaines collectivités pour l’attribuer à d’autres collectivités moins favorisées, suivant des critères tout aussi variés.

Voilà pour la sémantique, passons à l’histoire, brièvement puisque le Professeur BOUVIER a largement développé cet aspect hier. Il s’agit là seulement de replacer le sujet dans le « fil du script ».

Le système fiscal local français est véritablement né à la révolution, qui substitue, à la répartition d’ancien Régime effectuée par les receveurs de baillage, la perception d’impôts additionnels aux impôts d’Etat.

Cette approche, qui reposait essentiellement sur les thèses de physiocrates, ne concevait la source de richesse que comme assise sur la propriété foncière, et subsista ainsi jusqu’à la 1ère Guerre Mondiale et la réforme de Caillaux.

Cette fiscalité se révèlera rapidement obsolète, dès le développement économique du milieu du XIXème siècle, mais la forte centralisation et les besoins alors limités des collectivités locales lui permirent de perdurer jusqu’aux années 1950, malgré les tentatives de réforme.

Jusqu’alors, la péréquation n’était pas à l’ordre du jour, tout au plus des corrections furent réalisées progressivement sur la dotation de l’Etat, qui se substitua progressivement à une partie de l’impôt afin de répartir plus équitablement la ressource, dans une France dont la typologie évoluait lentement.

Mais la pression sur l’Etat se faisait sans cesse plus pressante, et il s’avéra nécessaire de doter le pays d’un système adapté à l’industrialisation de la société, et au besoin de l’aménagement de la France que l’Etat ne pouvait conduire seul.

L’ordonnance du 7 janvier 1959 va poser les bases de cette grande réforme de la fiscalité locale.

Non seulement elle va moderniser les bases de l’imposition locale en adoptant la valeur locative unique, et en créant un impôt économique : la taxe professionnelle, mais elle va aussi substituer aux principaux fictifs le droit de voter directement les taux d’imposition par les collectivités, alors qu’il était l’apanage exclusif du Parlement.

En revanche, cette réforme ne s’appliquera véritablement qu’à partir de 1975, et ne prendra tous ses effets qu’avec la première décentralisation des années 1980.

Désormais, dotées d’une matière fiscale dynamique sur laquelle elles disposent du pouvoir d’agir sur les taux, les collectivités locales vont jouir d’une autonomie fiscale et financière nouvelle.

En contrepartie, cette liberté va mettre en évidence, et surtout en œuvre, une forte hétérogénéité sur le territoire, disparité de la richesse, des taux, et va exiger rapidement la mise en place d’un encadrement mais aussi des premiers dispositifs de péréquation.

Par ailleurs, au moment même, alors que s’instaurait un régime d’autonomie des collectivités locales, né des besoins suscités par le boum économique des trente glorieuses, le décalage de la mise en place de cette réforme la faisait coïncider avec les premiers budgets déficitaires de l’Etat, conséquence d’une des premières crises internationale, celle de 1974 liée à l’énergie.

Ce déficit budgétaire ne cessera plus jusqu’à nos jours, où il a pris une acuité particulière.

C’est cette contrainte nouvelle qui va obliger l’Etat à revenir progressivement sur la libéralisation de la fiscalité locale, qu’il avait initiée en 1959 et matérialisée dès l’année 1980.

Il va le faire en réformant la fiscalité, afin d’orienter les ressources les plus dynamiques sur le budget de l’Etat et en mettant fin à l’hémorragie que provoquaient sur son budget les diverses compensations et exonérations qu’il consentait au profit des collectivités.

Il va également faire porter son action sur le gel des dotations qu’il verse aux collectivités, puis, progressivement, il va aujourd’hui les réduire, pour leur faire prendre leur part du fardeau exigé par le redressement économique.

Dans le cadre de ce double mouvement, l’Etat n’a pas pu contraindre autant qu’il le souhaiterait les collectivités à renoncer à leur autonomie fiscale. Aussi, c’est tout naturellement que s’inscrit, ici, la péréquation horizontale comme source d’équilibre essentielle du système.

Après avoir resitué l’introduction de la péréquation horizontale dans l’histoire de la fiscalité locale, nous allons examiner ensemble les dispositifs mis en place à ce titre au fil du temps fiscal et des réformes.

 

Tout d’abord, comme nous l’avons vu, les premiers dispositifs de péréquation horizontale sont apparus dès 1975 avec la création de la taxe professionnelle. En effet, l’impôt économique nouveau était tellement puissant qu’il exigera rapidement une atténuation des disparités locales les plus criantes.

Ainsi, les Fonds Départementaux de péréquation de la taxe professionnelle permettaient d’écrêter dans le cadre départemental les bases des établissements industriels et commerciaux exceptionnels au regard de la collectivité où ils se trouvent localisés. Les ressources excédant largement la moyenne par habitant étaient ensuite redistribuées aux communes concernées par le lieu d’habitation des salariés ou de nuisances particulières, et également aux autres communes dites défavorisées lorsqu’elles disposaient d’un faible potentiel fiscal ou en fonction d’une politique ciblée décidée par les départements.

Ce système resta toutefois marginal, même si aujourd’hui il subsiste encore partiellement au titre de certaines garanties.

Autre mécanisme : le Fond de Solidarité entre communes de la Région Ile de France, le FSRIF

Il s’agit d’un fond original, propre à la Région Ile de France, qui a été institué dès 1991 pour réduire les inégalités entre les communes et qui est alimenté par les communes et les EPCI les plus favorisés.

Pour ne pas y revenir ultérieurement, précisons que ce fond subsiste aujourd’hui à hauteur de 250 millions d’euros (270 en 2015), et qu’il a été réactualisé pour être adapté aux diverses réformes de la TP et de la fiscalité intervenues, au plan de ses critères de prélèvement et de redistribution. Il s’articule aujourd’hui d’ailleurs avec le système de péréquation horizontale national, dont il est un peu le précurseur.

 

Avant d’examiner les nouveaux fonds de péréquation horizontale qui sont véritablement nés du contexte des réformes de la taxe professionnelle et du récent acte de la réforme fiscale locale des années 2010 et 2011, je crois utile d’évoquer deux formes de péréquation horizontale de fait, qui se sont imposées sans dire tout à fait leur nom.

Tout d’abord la péréquation issue du phénomène intercommunal :

En effet, la progression de l’intercommunalité en France, qui est aujourd’hui pratiquement généralisée, a instillé une péréquation horizontale non codifiée mais qui est bien réelle. En transposant les charges et les ressources des 36 000 communes sur 2 000 intercommunalités, le système a notablement contribué à améliorer la mutualisation et la répartition des services aux habitants.

D’autre part, la dotation qui est attribuée aux intercommunalités est répartie pour l’essentiel sur la base des écarts de potentiels fiscaux entre les EPCI par rapport à la moyenne de leur catégorie juridique, ce qui constitue également un rééquilibrage horizontal de la ressource.

 

  • Par ailleurs, il est également patent que le gel des dotations instauré depuis 2011 contribue à instituer une véritable péréquation horizontale au plan des politiques ciblées à destination des zones franches urbaines et rurale, par le biais de la DSU, de la DSR et de l’intercommunalité, qui ne sont plus maintenant alimentées par des fonds d’Etat supplémentaires, mais bien prélevées sur l’enveloppe existante, ce qui peut être apparenté à une péréquation horizontale.

Ces prémisses étant évoqués, je vous propose de passer à l’examen des nouveaux fonds spécifiquement dédiés à la péréquation horizontale, et créés à l’occasion du remplacement de la taxe professionnelle et des évolutions fiscales qui ont suivi, à partir des années 2009 et 2010.

Je le ferai succinctement, car il s’agit d’un sujet complexe, dont les arcanes ne sont d’ailleurs pas toujours maitrisés, y compris de l’autre côté de la méditerranée.

  • Tout d’abord les FNGIR (s) (Fonds National de Garantie Individuelle des Ressources)

Ce fonds, créé par la Loi de Finances initiale de 2010 a pour objet de garantir individuellement à chaque collectivité un niveau de ressources égal à celui d’avant la réforme. Ces fonds, qui sont figés depuis 2011, sont alimentés par ceux qui disposaient d’un excédent du fait de la réforme, au profit de ceux qui étaient perdants. Il est intéressant de noter que la réforme initialement proposée par le gouvernement prévoyait sa disparition progressive à raison de 5% l’an au profit de la situation nouvelle qui repose sur de nouvelles bases de la richesse des collectivités locales, où le poids économique a considérablement été amoindri.

Les parlementaires s’y sont formellement opposés de manière à figer la situation antérieure, qui subit toutefois l’érosion monétaire.

Les autres fonds créés sont :

 

  • Le FPIC (Fonds national de Péréquation des recettes fiscales Intercommunales et Communales). Lequel prévoit graduellement de prélever et répartir 1 milliard d’euros à l’horizon 2016 à l’intérieur du bloc communal.

Les territoires à fort potentiel financier (environ 45%) sont prélevés au profit de ceux dont les habitants ont un faible revenu qui disposent d’un potentiel financier faible, tout en tenant compte de l’effort fiscal consenti.

La grande nouveauté du système réside dans l’agrégation de la richesse des EPCI et des communes membres, ce qui territorialise plus largement la prise en compte, et accentue de ce fait la péréquation.

  • Le Fonds national de péréquation des droits de mutation : Les Régions et les Départements disposent de fonds de péréquation propres. Les Départements au faible potentiel financier reçoivent des dotations alimentées par un prélèvement pour partie sur le stock des droits de mutation à titre onéreux et également sur le flux.
  •  Les Fonds départementaux de péréquation des produits des taxes additionnelles aux droits de mutation s’ajoutent au fonds précédent, dans le cadre d’un système pluriannuel.
  •  Les Fonds départemental et régional de la CVAE : De même les départements, classés selon un indice synthétique de charges et de richesse, perçoivent une part de la CVAE (contribution sur la valeur ajoutée des entreprises) qui remplace désormais la taxe professionnelle, prélevée sur le stock et le flux des plus favorisés.

Les Régions bénéficient d’un système identique, mais pris sur un panier de ressources élargi.

Quelques caractéristiques de premier constat sur ces fonds nouveaux :

Les Régions dont nous parlons abondamment ici, et sur lesquelles nous fondons d’ambitieux espoirs, les uns et les autres, ne se distinguent pas par une utilisation optimale des facultés de péréquation horizontale qui leur sont offertes !…

J’ajouterai également que ces fonds pèsent essentiellement sur des ressources a priori dynamiques, car ils sont constitués de la valeur ajoutée produite par les entreprises et les taxes sur les mutations de propriétés qui, jusqu’alors, accompagnaient le développement économique. Ceci s’est vérifié au début.

Il reste que ces valeurs sont aussi très sensibles aux aléas économiques et suivent assez exactement la conjoncture. Ce qui impose de distinguer des effets « stock » liés à la richesse accumulée, à des effets flux, qui correspondent à l’enrichissement du moment.

Il est aussi à préciser que l’essentiel du produit des fonds ainsi créés est prélevé sur l’Ile de France et les métropoles à fort potentiel.

 

Après cette énumération, dont j’ai volontairement simplifié les mécanismes et tu les nombreux débats, dont ils font l’objet au CFL et durant les lois de finances au Parlement, il parait, à cet instant, légitime de s’interroger sur la double problématique que suscite la péréquation horizontale en France.

D’une part, au plan technique, qui semble, a priori, provenir de la manière dont a été posé constitutionnellement le mécanisme.

Nous pourrons ensuite nous interroger, de manière prospective, sur les problèmes que cela soulève et l’évolution envisageable d’un tel système dans la période délicate que nous traversons.

Sur le plan technique, tout d’abord, il est utile de rappeler que le législateur a introduit formellement la notion de péréquation pour « favoriser l’égalité entre les collectivités » par l’article 72-2 de la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 dans son alinéa 5.

S’il s’agissait d’évidence d’une nécessité visant à rééquilibrer et faire contrepoids aux résultats dus à la compétition entre les collectivités, et d’un de ses corollaires incontournable, celui d’une décentralisation qui s’accentuait, l’approche utilisée n’en reste pas moins à un niveau purement arithmétique.

Par ailleurs, le même texte, qui assoit l’autonomie financière, instaure une ambiguïté dans la relation entre l’Etat et les Collectivités, en supprimant toute référence à l’autonomie fiscale et en inscrivant la garantie des ressources dans les limites d’une simple équation mathématique, alors que les élus attendaient la confirmation de la conquête d’une autonomie fiscale et à laquelle ils s’étaient accoutumés depuis plus de trente ans.

Depuis lors, la recherche des critères à retenir pour la péréquation, en particulier horizontale, oscille et se limite dans ses fondements entre la réduction pure des inégalités et la satisfaction des besoins des populations, au travers de notions de richesse et charges établies de manière comptable.

Il serait, bien sûr, fastidieux de revenir sur ce sujet par le menu, mais on retrouve à travers les indices synthétiques recomposés, ou des critères directs, le potentiel financier et l’effort fiscal, et progressivement le revenu par habitant et l’effort fiscal consenti pour le bloc communal. Pour les départements, au plan des charges, sont retenus des indices en rapport avec les compétences, comme le nombre de bénéficiaires du RSA et la population âgée, par exemple.

La péréquation n’est, dès lors que la légitime contrepartie du droit à la compétitivité laissé aux collectivités, en partie parce que le législateur n’a pas souhaité que l’impôt économique nouveau fasse l’objet d’une répartition à l’échelon national, mais soit corrélé et reste en lien avec le territoire.

On assiste, de ce fait, à une confrontation permanente entre les territoires favorisés qui souhaitent conserver les ressources locales et une administration plus soucieuse d’aménagement du territoire, qui cherche à écrêter la ressource au profit des territoires les plus démunis ou les plus mal situés.

Se pose, à cet égard, la problématique du maintien des strates de population pour déterminer les charges et besoins, et du choix de financement d’une société plutôt urbaine, comme celui de la transition énergétique qui peuvent apparaitre comme des choix sociétaux et donc discutables pour les uns, et des nécessités incontournables pour les autres.

Je tairai, ici, le demi-séculaire débat sur l’obsolescence des valeurs locatives qui servent à fonder le système, et dont nous venons (enfin !) de décider de la révision au terme de près de 50 ans d’errements, qui, à elle seule, impliquera une réflexion sur la péréquation sismique qui s’imposera lors de sa mise en œuvre, tant les valeurs des choses se sont éloignées entre elles depuis l’origine.

A noter que l’une des conquêtes récente les plus importantes de la péréquation au plan de la solidarité, réside indubitablement dans la territorialisation assise sur les intercommunalités et l’agrégation des ressources et des besoins comparés. Il s’agit là d’un progrès considérable dans l’application des critères, et l’effet péréquateur qui est d’ailleurs à rattacher à la pertinence des périmètres intercommunaux et des bassins de vie, évoquée ce matin par le Président BANQUEY.

Que peut-on dire, à ce stade, du débat et des questions qui se posent autour de la péréquation horizontale ?

Il va de soi que dans la période que nous vivons, et face à la crise sévère qui impacte notre pays et qui impose la contribution des collectivités au redressement national et, corrélativement, une réforme d’un système fiscal à bout de souffle, nous devons nous interroger sur le sens de la péréquation devenue horizontale.

En effet, la résolution arithmétique des inégalités doit glisser vers une philosophie de l’équité territoriale plus intelligente et plus incitative, afin de passer d’une harmonisation des situations à des mesures susceptibles de les infléchir, ce qui passe nécessairement par l’investissement ciblé et un débat citoyen sur les choix opérés.

La péréquation doit également contribuer à une responsabilisation des acteurs et éviter qu’ils ne se complaisent dans une logique d’assistanat. Il est également nécessaire que ces territoires adhèrent à la logique développée par la LOLF depuis 2001, afin de substituer la logique de résultats et d’évaluation à celle des moyens mis à disposition.

Ces principes doivent guider le perfectionnement du système à travers la recherche de critères plus pertinents, tout en ne mésestimant pas leur caractère temporaire et évolutif.

En effet, la péréquation n’est pas épargnée par la tourmente que vit notre fiscalité locale, et ce seront là mes dernières considérations avant de conclure.

Je l’ai déjà dit en d’autres lieux, la réforme de suppression de la taxe professionnelle avait pour but de réduire le poids de l’économie dans la ressource des collectivités locales et de désengager l’Etat de sa contribution à ce titre aux divers dégrèvements accordés au fil du temps. Je n’exclus, bien sûr, pas la recherche de compétitivité pour nos entreprises, qui en fut d’ailleurs le prétexte avoué.

Il y a, derrière cette initiative, la volonté de substituer à l’impôt ancien, en partie confiscatoire au profit des collectivités, des parts d’impôts nationaux sur lesquels ces dernières n’auraient plus la maitrise des taux mais verraient leurs ressources évoluer de manière corrélée à celles du PIB national et, bien évidemment, pour l’Etat, de retrouver en contrepartie seul la maitrise de la fiscalité hier transférée, et restaurer ainsi un peu de sa souveraineté, dans un monde international globalisé.

Je pense qu’il s’agit là d’une tendance lourde qui va impacter la réforme fiscale locale demain. Aussi, les critères à venir doivent être pensés à l’aune de cette inclinaison qui se fait jour et s’impose.

Cette idée doit être rapprochée de la montée en puissance de l’effort demandé aux collectivités dans le redressement de l’économie nationale, qui accentue à la fois le besoin de péréquation horizontale, tout en constituant une menace pour son fonctionnement.

Avec un prélèvement différentiel de 12,5 milliards d’euros sur la période, qui fait suite à un gel des dotations, les collectivités contributrices aux péréquations de tous niveaux dénoncent déjà une double peine (péréquation et contribution) et elles agitent le spectre de l’arrêt de l’investissement local et de la croissance qu’il génère.

La question s’est d’ailleurs posée pour le groupe de travail qui réfléchissait sur le modèle de prélèvement de la contribution à cet effort. Doit-il contenir aussi une part de péréquation horizontale ? Pour l’heure, la réponse reste plutôt négative, mais dans la mesure où la péréquation stricto sensu suit la progression annoncée…

Si le gouvernement résiste et cherche à maintenir le cap de la péréquation horizontale à son niveau de programmation initiée, il est visible que les collectivités impactées font aussi résistance et s’organisent pour différer la programmation de la péréquation, ou, à tout le moins, la ralentir.

Les équilibres du consensus restent fragiles. Pour autant, peut-on remettre en cause la solidarité à l’égard de l’ensemble du territoire, surtout lorsque tous participent à l’effort de redressement ?

Le processus global repose sur la qualité de la gouvernance du système financier public, que peinent à mettre en place l’Etat et les collectivités.

Actuellement, ce fragile équilibre dépend surtout du Comité des Finances Locales (CFL), qui a fait ses preuves, et une Conférence Nationale des Exécutifs qui se cherche entre une certaine immaturité des collectivités et la suffisance, le Professeur JEAN-ANTOINE a utilisé le vocable plus policé de « défiance », d’un Etat par trop technocratique et peu habitué au dialogue. Le Parlement ne dispose, quant à lui, que de peu d’expertise à cet égard, dois-je concéder ( !).

Avec la réorganisation territoriale qui se profile en France, et les transferts nouveaux de compétences qu’elle sous-tend, il devient urgent que cette gouvernance systémique des finances publiques s’organise et se dote d’un process de réflexion et de décision partagées.

Se pose, à cet égard et dans ce cadre, la question du nouveau profil que doit adopter la péréquation horizontale avec l’apparition des « métropoles » qui ont retenu notre attention durant ce colloque, mais aussi et corrélativement des « inter-lands », qui vont en découler, tout comme la mise en œuvre de la déconcentration des services de l’Etat qui tarde.

La péréquation horizontale, nouveau « graal », ne pourra rester éternellement le curseur erratique du fragile équilibre d’un système fiscal local qui se cherche, entre « soutenabilité des finances publiques et réalités politique, économique et sociale des collectivités territoriales », pour emprunter le vocable de Laurence TARTOUR dans ses travaux sur l’autonomie financière.

Il importe désormais que le couple Etat-Collectivités locales trouve en France une véritable philosophie contemporaine du « vivre-ensemble ». Nous sommes, en effet, à un point crucial de l’évolution du système, et la qualité des réflexions comme celles du Professeur JAIDI peuvent nous aider à y parvenir.

Pour conclure et pour faire écho à l’appel du Professeur DOUMOU, à atteindre l’universalisme en sortant d’un certain « suivisme », joignons-nous au Professeur BOUVIER lorsqu’il affirme : « la fiscalité est part entière du contexte dans lequel elle évolue, elle ne peut demeurer hors de son temps et doit s’adapter à son époque », j’ajouterai, et ceci est bien sûr propre à tous les pays, mais encore faut-il que tous les acteurs partagent les mêmes préoccupations et regardent dans la même direction !…

Je vous remercie pour votre attention.

Charles Guené

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Ce billet a été publié le vendredi 3 octobre 2014 à 9 h 39 il se trouve dans la catégorie Actualités, Collectivités, Economie et finances.