Les sénateurs ont examiné le 15 février en séance publique (14h30) les conclusions de la mission d’information sur la prise en charge de la dépendance pilotée par les rapporteurs généraux de la commission des affaires sociales et de la commission des finances, Alain Vasselle et Philippe Marini.

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Propositions de la mission commune d’information sur la prise en charge de la dépendance et la création du cinquième risque :

(note de Valérie Martinie, Groupe UMP du Sénat, le 1er février 2011)

A l’occasion de la présentation de son rapport devant les membres de la mission le 26 janvier dernier, Alain Vasselle a rappelé que le Sénat a été le premier à formuler des propositions sur la prise en charge de la dépendance dès 2008, et qu’il sera le dernier à présenter des conclusions complémentaires au moment où les choix vont être effectués.

1. Rappel des axes de réforme proposés par la mission en 2008 :

Dans son rapport d’étape, la mission d’information dressait un panorama complet de la prise en charge de la dépendance. Elle soulignait l’accroissement significatif de l’effort public en direction des personnes âgées dépendantes : évalué à 21 milliards d’euros, soit l’équivalent d’un point de Pib. Cet effort de solidarité s’est traduit par la création de l’allocation personnalisée d’autonomie (Apa) au début des années 2000, ainsi que par un effort important de création de places au sein des Ehpad.

–          Le rapport d’étape pointait trois défis à relever :

o   le vieillissement de la population : le nombre de personnes âgées de 75 ans ou plus passera de 5,2 millions en 2007 à 11,9 millions en 2060 ;

o   la nécessité d’améliorer les dispositifs actuels de prise en charge des personnes âgées, en particulier sur le plan qualitatif ;

o   l’obligation de rendre plus lisible le schéma institutionnel de prise en charge de la perte d’autonomie et de fluidifier les relations entre les nombreux acteurs de cette politique publique.

–          Les pistes de réforme envisagées en 2008 :

–          Réaliser un effort plus équitable en direction des bénéficiaires de l’Apa à domicile :

o   améliorer la grille Aggir afin de parvenir à un usage uniforme de cet outil,

o    relever les plafonds d’aide de manière ciblée pour les personnes isolées et les patients atteints d’Alzheimer,

o   permettre une revalorisation des  plans d’aide,

o   solliciter les patrimoines les plus élevés à travers une prise de gage au moment de l’entrée en dépendance.

–          Maîtriser le reste à charge et d’améliorer l’efficacité de la dépense en établissement d’hébergement :

o   instauration d’une échelle dégressive de l’Apa en établissement et une adaptation des dépenses fiscales existantes,

o   réformer la tarification pour généraliser les forfaits globaux et mettre en place une convergence des tarifs soins.

–          Mettre en place un véritable partenariat public-privé et assurer le financement mixte du cinquième risque : développer la couverture assurantielle dépendance sur une base volontaire.

–          Renforcer et simplifier la gouvernance du cinquième risque :

o   clarification des champs de compétences des différents acteurs et l’affirmation du principe de parité de financement de l’Apa entre l’Etat et les conseils généraux ;

o   conforter la place des départements pour en faire les véritables responsables de la politique médico-sociale.

2. Evolutions intervenues depuis 2008 et travaux de réflexion sur la dépendance :

è Quatre évolutions significatives ont été soulignées par le rapporteur :

–          La poursuite de l’effort consacré à la prise en charge de la dépendance.

o   progression importante et régulière de l’Ondam médico-social au cours des dernières années (8,3 % en 2009, 10,9 % en 2010). Cette progression sera plus modérée en 2011, du fait notamment d’une nouvelle méthode de construction de l’Ondam.

o   En 2008, le plan de relance de l’économie a permis d’accélérer la création de nouvelles places dans les structures d’accueil. La poursuite du plan Solidarité-Grand Age a également permis la création de places supplémentaires et un renforcement de la médicalisation des établissements d’accueil.

o   Le plan Alzheimer a permis de développer et diversifier des formules de répit et de lancer l’expérimentation de maisons pour l’autonomie et l’intégration des malades d’Alzheimer (Maia).

–          La réforme de la tarification des Ehpad. La LFSS pour 2009 a institué une tarification à la ressource, proche de la T2A (tarification à l’activité) mise en œuvre dans le secteur sanitaire. L’objectif de cette réforme est de généraliser les forfaits globaux, afin d’améliorer l’efficience de la dépense en établissement.

–          La réforme de la gouvernance du secteur médico-social. La loi HPST a créé les agences régionales de santé (ARS) qui visent notamment à décloisonner les secteurs sanitaire et médico-social. La loi HPST a par ailleurs :

o   introduit un dispositif de garantie des fonds dédiés au secteur médico-social appelé « fongibilité asymétrique ».

o   rationalisé l’architecture institutionnelle de planification et de programmation médico-sociale en distinguant un schéma national élaboré sur proposition de la CNSA ; un schéma régional d’organisation établi par le directeur de l’ARS, le préfet de région n’intervenant plus que dans les domaines régaliens ; enfin, un schéma départemental relevant de la compétence du président du conseil général.

Le rapporteur a noté que la réforme prévoit l’association des présidents de conseils généraux à l’élaboration des Priac (programme interdépartemental d’accompagnement des handicaps et de la perte d’autonomie), mais elle n’a pas prévu qu’ils en soient cosignataires comme l’avait recommandé la mission.

o    créée une nouvelle procédure d’appel à projets pour l’autorisation des établissements, qui doit permettre de sélectionner les propositions les plus conformes aux priorités définies par le projet régional de santé.

–          Les avancées en matière de professionnalisation accrue des personnels. Dans le cadre du plan en faveur des métiers de la dépendance annoncé en 2008, de nombreuses actions ont été conduites dans le cadre d’expérimentations régionales, pour soutenir la professionnalisation des demandeurs d’emploi, améliorer le tutorat, ou faciliter la qualification des personnes en cursus partiel.

è Les travaux de réflexion :

–          Le rapport pour 2009 de la Cour des comptes :

o   insiste sur le manque de transparence des tarifs et la grande hétérogénéité de la qualité des établissements d’accueil.

o   note le caractère encore éclaté de la gouvernance du cinquième risque, les fortes disparités départementales en matière d’attribution de l’Apa et les incertitudes qui pèsent sur le financement de la prise en charge de la dépendance.

–          Rapport parlementaire : la députée Valérie Rosso-Debord a conduit une mission dont beaucoup de propositions rejoignent celles de la mission sénatoriale, notamment en ce qui concerne le rôle des ARS ou la convergence entre Ehpad, mais dont certaines s’en distinguent nettement. Ainsi, cette mission se prononce en faveur d’un recentrage de l’Apa sur les seuls Gir 1 à 3 et propose l’instauration d’une assurance obligatoire dès l’âge de cinquante ans. Elle suggère également la mise en place d’une récupération sur succession à un niveau de patrimoine plus faible que celui préconisé par la mission sénatoriale.

3. Actualisation des propositions de la mission commune d’information :

è Les différents constats :

–          Le problème du reste à charge en établissement demeure entier :

o   en moyenne à 2 200 euros par mois, selon l’étude de l’Igas en 2009 ;

o   fortes disparités d’un établissement à l’autre ;

o   caractère largement anti-redistributif des aides sur les personnes.

–          Le retard en matière de création de places : entre 2007 et 2009, le plan Solidarité-Grand Age autorisait la création de 66 653 places en services de soins infirmiers à domicile (Ssiad) et en Ehpad. Mais 40 961 ont été effectivement installées.

En outre, les places nouvelles sont créées très majoritairement dans des départements disposant déjà d’un taux élevé d’équipement en Ehpad. Dans ces conditions, les structures d’accueil sont inégalement réparties sur le territoire.

–          Un contexte budgétaire encore plus contraint qu’il y a deux ans :

La dette des administrations publiques a augmenté de 30 % entre 2005 et 2009 et la seule dette des organismes sociaux s’est accrue de plus de 41 % sur la même période.

Dans ces conditions, certaines hypothèses de financement envisagées par la mission sont devenues caduques, en particulier l’utilisation des excédents de la branche famille ou de certaines ressources du fonds de réserve pour les retraites.

–          Le poids des dépenses consacrées à la prise en charge des personnes âgées dépendantes s’accroît dans le budget des départements :

En 2009, le reste à charge des départements au titre du RSA, de l’Apa et de la PCH a atteint 4,52 milliards d’euros. Le taux de couverture des dépenses supportées par les départements au titre de la perte d’autonomie ne cesse de se dégrader. La participation de l’Etat au financement de l’Apa est désormais inférieure au tiers, tandis que celle des départements dépasse les deux tiers. La loi de finances rectificative pour 2010 a mis en place un fonds exceptionnel de soutien aux départements en difficulté abondé à hauteur de 150 millions d’euros, 75 millions étant prélevés sur le budget de la CNSA, et les 75 autres étant financés par la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».

Le rapporteur a souligné que ce dispositif ne constitue en aucun cas une solution pérenne au problème posé.

è Les propositions de la mission :

Les propositions de la mission reposent sur deux orientations :

u Le principe d’une organisation et d’un financement de la prise en charge de la dépendance doit reposer sur un partenariat public-privé et sur l’articulation de la solidarité nationale et de la prévoyance individuelle

v Il est nécessaire de distinguer compensation du handicap et prise en charge de la dépendance des personnes âgées, qui reposent sur des logiques différentes. Une convergence intégrale de ces deux dispositifs ne pourrait se faire qu’au détriment des personnes concernées

–       Renforcer la démarche de prévention de la perte d’autonomie :

o  Identifier, par des actions de dépistage et d’évaluation, les personnes dites « fragiles » ou « pré-fragiles », susceptibles d’entrer en dépendance.

o  Evaluer de manière approfondie, au sein de cette population, les pathologies liées au vieillissement.

o  Former à la prévention l’ensemble des intervenants auprès des personnes âgées.

Maintenir le Gir-4 dans le dispositif de l’Apa pour prévenir une aggravation plus rapide de la perte d’autonomie et un basculement vers les Gir-1 à 3.

–          En ce qui concerne la prise en charge à domicile, la priorité reste la fiabilisation de la grille AGGIR (cf annexe) afin de permettre une évaluation plus objective de la perte d’autonomie et de mieux prendre en compte les maladies d’Alzheimer et apparentées.

Le rapport propose les mesures suivantes :

o   Au sein des conseils généraux, et entre conseils généraux, des réunions d’échanges sur les pratiques internes, les évolutions de la grille Aggir et la formation gérontologique.

o   Un véritable partenariat public-privé qui doit aboutir à l’élaboration de référentiels communs d’évaluation des besoins et d’attribution des prestations entre financeurs publics et privés.

o   Harmoniser le processus de décision et de contrôle de l’Apa pour une prise en charge plus équitable en faveur des bénéficiaires de l’Apa à domicile ;

o   Ouvrir effectivement le droit à une Apa forfaitaire lorsque le délai global de décision n’est pas respecté ;

o   Solliciter les patrimoines les plus élevés par le choix offert à l’entrée en dépendance entre une Apa à 50 % ou une prise de gage de 20 000 euros au maximum sur la fraction du patrimoine dépassant un seuil déterminé, à fixer entre 150 000 euros et 200 000 euros.

o   Avancer rapidement sur l’évolution des modes de régulation et des procédures de tarification en vigueur dans ce secteur

o   Revaloriser périodiquement le montant des plans d’aide.

–          Dans le domaine de la prise en charge en établissement, la maîtrise du reste à charge reste un axe de réflexion prioritaire.

Les  mesures proposées sont :

o   le transfert des dépenses d’animation – service social ainsi que celui d’une part accrue des charges d’agents de service du tarif hébergement vers le tarif dépendance ;

o   le basculement de l’intégralité du financement des aides soignants vers le tarif soins ;

o   la mise en place d’une échelle dégressive de versement de l’Apa en établissement pour des raisons d’équité, afin de recentrer l’allocation vers les personnes qui en ont le plus besoin.

o   La mise en place des référentiels de coûts d’hébergement et rendre ces référentiels opposables, afin de garantir que la diminution du reste à charge bénéficiera bien aux personnes âgées et à leurs familles.

–          Plusieurs pistes pour trouver de nouvelles recettes sont présentées :

o   Mesurer le gain qui pourrait être retiré de la mise en place d’une seconde « journée de solidarité » et/ou de l’extension de l’actuelle contribution solidarité autonomie aux non-salariés, ainsi que les difficultés que ces deux dispositifs pourraient soulever.

o   Replacer la question de l’alignement du taux de CSG des retraités sur celui des actifs dans une réflexion plus globale, que la mission appelle de ses vœux, sur la rationalisation des dépenses fiscales en faveur des personnes âgées dépendantes.

–          Développement de la couverture assurantielle sur la base du volontariat :

o   La mission s’est prononcée contre la création d’une assurance obligatoire pour les raisons suivantes :

§   A ce jour, les assurances obligatoires ont toujours été réservées aux assurances de responsabilité civile destinées à protéger les tiers.

§  La mise en place d’un tel système supposerait de répondre à des questions complexes : comment contrôler le respect de l’obligation d’assurance ? Quelles sanctions appliquer en cas de défaut d’assurance ? Quelles seront les prérogatives des organismes d’assurance en matière de refus de garantie, de tarifs, de sélection médicale ?

o   En revanche, le rapport préconise de favoriser la généralisation de la couverture assurantielle par diverses initiatives :

§  Assortir le recours à l’assurance d’une aide publique réservée aux personnes les plus démunies, un tel dispositif pouvant être mis en œuvre dans le cadre du réexamen de l’ensemble des dépenses fiscales en faveur des personnes âgées.

§  Développer un partenariat public-privé permettant une reconnaissance conjointe de l’état de dépendance par les administrations publiques et les assureurs, ainsi qu’un déclenchement commun des prestations.

§  Mettre en œuvre un plan d’information sur les moyens d’assurer le risque dépendance.

§  Utiliser les contrats complémentaires santé comme vecteur de la diffusion de la garantie dépendance.

§  Permettre aux personnes qui le souhaitent d’orienter une part des sommes souscrites en assurance vie vers une garantie dépendance.

§  Permettre la déductibilité des cotisations dépendance versées sur un contrat adossé à un plan d’épargne retraite populaire (Perp).

§  Créer, sous l’égide de la CNSA, une procédure de labellisation des contrats

–          Aménager la gouvernance du système de prise en charge et réaffirmer le principe de parité de financement de l’Apa entre l’Etat et les conseils généraux :

o   Renforcer l’information et le rôle du Parlement en lui permettant de se prononcer sur l’ensemble des dépenses et des recettes correspondant au risque « perte d’autonomie ».

o   Affirmer le principe de parité de financement de l’Apa entre l’Etat et les conseils généraux.

o   Modifier les critères de péréquation pour la répartition de l’enveloppe d’Apa afin de garantir une approche plus juste de la charge objective pour les départements (suppression de la référence au nombre de bénéficiaires du RMI ; mise en place d’un critère de revenu par habitant ; substituer à la notion de « potentiel fiscal » celle de « potentiel financier »).

o   Expérimenter, sur une base volontaire, une gestion déléguée aux départements des crédits d’assurance maladie des Ehpad.

o   Améliorer la gouvernance de la CNSA (associer les assureurs aux réflexions sur la gestion du risque dépendance ; éviter le risque de disparition des plans d’aide à l’investissement de la caisse).


Annexe

Grille AGGIR (Autonomie Gérontologie Groupes Iso-Ressources)

Source : service-public.fr

Les personnes âgées qui sollicitent le bénéfice de l’APA, sont classées dans les six groupes iso-ressources que compte la grille nationale, en fonction des aides à la personne ou techniques commandées par leur état. Ainsi :

  • le groupe iso-ressources 1 comprend les personnes âgées confinées au lit ou au fauteuil, dont les fonctions mentales sont gravement altérées et qui nécessitent une présence indispensable et continue d’intervenants ;
  • le groupe iso-ressources 2 concerne les personnes âgées confinées au lit ou au fauteuil, dont les fonctions intellectuelles ne sont pas totalement altérées et dont l’état exige une prise en charge pour la plupart des activités de la vie courante. Ce groupe s’adresse aussi aux personnes âgées dont les fonctions mentales sont altérées, mais qui ont conservé leurs capacités de se déplacer ;
  • le groupe iso-ressources 3 réunit les personnes âgées ayant conservé leur autonomie mentale, partiellement leur autonomie locomotrice, mais qui ont besoin quotidiennement et plusieurs fois par jour d’être aidées pour leur autonomie corporelle ;
  • le groupe iso-ressources 4 intègre les personnes âgées n’assumant pas seules leurs transferts mais qui, une fois levées, peuvent se déplacer à l’intérieur de leur logement. Elles doivent parfois être aidées pour la toilette et l’habillage. Ce groupe s’adresse également aux personnes âgées n’ayant pas de problèmes locomoteurs mais devant être aidées pour les activités corporelles et pour les repas ;
  • le groupe iso-ressources 5 comporte des personnes âgées ayant seulement besoin d’une aide ponctuelle pour la toilette, la préparation des repas et le ménage ;
  • le groupe iso-ressources 6 réunit les personnes âgées n’ayant pas perdu leur autonomie pour les actes essentiels de la vie courante.

Seuls les quatre premiers GIR de la grille nationale ouvrent droit à l’APA, que les bénéficiaires se trouvent à domicile ou en établissement, à condition qu’ils répondent aux critères d’âge et de résidence.

Les personnes âgées classées en GIR 5 et 6 peuvent néanmoins prétendre au versement des prestations d’aide ménagère servies par leur régime de retraite ou par l’aide sociale départementale.

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Ce billet a été publié le jeudi 17 février 2011 à 10 h 58 il se trouve dans la catégorie Actualités, Missions.