27 septembre 2010, 16:09
Posté dans : Actualités
Clause de revoyure, mon intervention dans le débat du 27 septembre
Débat sur les mécanismes de péréquation et de répartition des ressources des collectivités territoriales
Madame la Présidente,
Madame le Ministre,
Mes chers collègues,
Je souhaiterais, tout d’abord, dire combien nous devons nous féliciter de la tenue de ce débat attendu dans le cadre de la « clause de revoyure ». Il honore notre Institution et notre Groupe, qui l’avaient demandé et obtenu, et le Gouvernement, qui répond à la demande du Parlement et à l’ensemble des élus locaux, et vient satisfaire les exigences de clarté et de suivi d’une réforme complexe et déterminante pour notre Pays.
Ce rendez-vous est important parce qu’il va au-delà de la simple ponctualité dont nous avons déjà débattu, pour s’inscrire véritablement dans le processus parlementaire, et constituer une étape dans l’établissement de la loi fiscale. Il constitue un moment autonome, ainsi que nous l’avions souhaité dans la loi initiale.
Je voudrais, à cet égard, remercier le Président du Sénat, comme notre Président de Groupe Gérard LONGUET, pour n’avoir rien concédé de cette exigence, et vous remercier aussi, Madame le Ministre, pour y avoir répondu dans la qualité du propos comme dans l’esprit de l’exercice.
Le sursis que nous venons de nous accorder mutuellement a été très profitable, puisqu’à la lumière du rapport DURIEUX et du rapport parlementaire que j’ai eu l’honneur de commettre avec mes collègues CHATILLON et BUFFET et de l’Assemblée Nationale, comme des remontées du terrain, vous avez su, Madame la Ministre, esquisser un grand nombre de corrections que les entreprises, comme les élus, apprécieront. Nous en prenons la mesure.
Si de notre côté, notre réflexion a évolué également, je ne peux résister à établir le parallèle avec les demandes que nous avions formulées dans notre rapport parlementaire.
Si nous sommes flattés et satisfaits de la prise en compte de la plus grande part de nos remarques, je ne peux m’en contenter au regard de plusieurs points essentiels.
Je n’évoquerai pas de mon coté le nécessaire rééquilibrage au profit des territoires industriels et la réactualisation des bases auxquels se consacrera plus particulièrement mon collègue Alain CHATILLON, mais je m’attacherai à plusieurs aspects, où nous pensons que le compte n’y est pas tout à fait, et où il faut progresser et approfondir la réflexion.
Tout d’abord, en ce qui concerne la péréquation, et plus particulièrement la péréquation horizontale, c’est-à-dire entre collectivités.
Pour la première fois de l’histoire parlementaire et de la fiscalité moderne, notre rapport ose faire passer la péréquation de notion intellectuelle et conceptuelle à une réalité mathématique susceptible d’une déclinaison pratique, ainsi que l’appliquent nos voisins allemands.
Jusqu’alors, chacun s’accordait à dire qu’il s’agissait d’une nécessité mais pour laquelle il fallait surtout prendre le temps de la réflexion.
Nous avons proposé deux systèmes cohérents susceptibles de constituer une base sérieuse de discussion.
Nous n’avons pas envisagé une application immédiate, mais seulement la fixation des principes et des mécanismes, et leur développement en 2011 dans le cadre d’une deuxième revoyure et de la loi de finances suivante, une fois les chiffres de la réforme connus et sécurisés.
Je rappelle, à cet égard, que notre rapport prévoit le remplacement de la péréquation des départements et des régions telle que nous l’avons voté l’an passé, et dont les critères nous sont apparus inopérants, par une péréquation basée sur un prélèvement de 50% de la croissance, répartie en fonction de critères fiscaux et de charges dont nous avons listé les caractéristiques pour les rendre plus efficaces, et ceci indépendamment des nouveaux financements à intervenir pour la dépendance. Madame le Ministre, vous vous rapprochez de ces éléments, ainsi que dans le partage des DMTO cher à notre collègue LAFFINEUR, et dont le rapporteur général vient de dire tout le bien qu’il pensait.
Pour le bloc communal, nous proposons de maintenir durant un an les fonds départementaux de la TP et le Fond Ile de France, mais nous profitons de l’instant pour fixer les principes d’une péréquation à intervenir dès 2012 sur les bases de la constitution de deux fonds qui prélèveront au niveau national, comme au plan régional, le flux dépassant un certain seuil de richesse que nous avons fixé à 25% de plus que la moyenne au plan régional et à 50% au niveau national. Ces fonds seront répartis aux blocs communaux disposant d’un potentiel fiscal inférieur à 75% de la moyenne nationale.
Il va de soi que cela implique d’établir un nouveau potentiel fiscal, et de tenir compte de l’ensemble de la richesse et non plus de la simple richesse économique, puisque les paramètres ont changé, et bien sûr de « territorialiser » la péréquation, comme vous le suggérez, Monsieur le Sénateur MÉZARD.
A cet instant, je vous demanderai un peu d’attention, chers collègues, pour que vous entendiez que cette péréquation sera réalisée sur les seuls flux et non sur la totalité de l’existant, et que nous disposerons d’une année pour arrêter ce que nous conservons des fonds départementaux et du FSRIF afin, notamment, de ne pas pénaliser les départements qui ont effectué des choix courageux, je pense au nucléaire par exemple, et qui bénéficient de légitimes retombées.
Et que d’autre part, lorsque nous parlons de péréquation au niveau régional, il ne s’agit pas de sa gouvernance, mais du niveau de partage. Ce qui ne confère pas la répartition aux régions, mais à des critères établis par la loi.
Ces deux points sont d’importance, et je tenais à apporter ces précisions pour dissiper certaines inquiétudes.
Si ces dispositions sont audacieuses dans le principe, avouez qu’elles ne constituent qu’un démarrage progressif de la future péréquation territoriale.
Aussi, il me semble que le Sénat s’honorerait en dépassant, dans ce domaine, le stade incantatoire.
Nos collègues maires et président d’EPCI attendent de nous que nous assumions le rôle que nous a confié la Constitution au regard des collectivités locales. Ils savent que le Parlement a refusé la péréquation géographique totale, initialement proposée par le Gouvernement. Je vous rappelle, à cet égard, que lors de la CMP ce sont les représentants de la gauche du Sénat qui ont fait basculer la décision dans ce sens…
La quasi-totalité des maires de France, dont beaucoup de nos collègues des zones urbaines défavorisées, ne peuvent se satisfaire d’un statu quo dans ce domaine.
Nous sommes actuellement sur les bases d’une croissance relativement faible, ce qui rendra l’amorce de sa mise en œuvre moins sensible, et nous sommes à un moment charnière où tout est possible.
Il faut donner un signe à cette France qui est située en dehors des courants d’échanges économiques pour de multiples raisons, et pas seulement parce qu’elle ne disposait pas d’élus en capacité de les attirer.
Elle ne peut se satisfaire de la promesse d’un grand soir à venir, qui rassemblera péréquation horizontale et verticale dans un même mouvement, et où une générosité nouvelle viendra changer son sort.
Je crois, au contraire, que la mise en œuvre de la péréquation horizontale qui représente une très faible part par rapport à la péréquation verticale, doit justement être annoncée dans cette loi de finances en termes suffisamment précis pour baliser le chemin d’un véritable changement.
Le temps m’étant compté, je n’irai pas plus loin, mais nous reviendrons, chaque fois que possible, pour incliner les textes dans ce sens, et je ne doute pas que le Sénat saura nous entendre.
Je voudrais terminer par deux sujets annexes mais d’importance pour les élus de terrain.
Nous avions signalé la problématique des abattements sur la taxe d’habitation, et vous nous avez entendus, Madame la Ministre, en accordant un délai supplémentaire d’un mois pour la prise de décision. C’est bien, mais cela n’est pas suffisant. Ce qu’il faut, ce sont aussi des solutions aux problèmes rencontrés.
En effet, les collectivités doivent choisir lorsqu’un département a été trop généreux en pratiquant de larges abattements, entre conserver leur produit et pénaliser le contribuable, ou satisfaire le contribuable au détriment de leur budget.
Je vous propose, à cet égard, de compléter cette alternative en leur offrant la possibilité, à l’occasion de cette année de transfert, de jouer librement sur le facteur taux, à condition de conserver le produit attendu. Cette dérogation permettrait de déterminer les abattements optimums, en lissant en partie l’effet vis-à-vis des budgets et des contribuables. Ce n’est pas parfait, mais cela ajoute une solution et disculpera, en outre, pour partie l’Etat pour ce qui concerne certaines options maximalistes qui ne manqueront pas de lui être imputées.
Il serait important que vous puissiez expertiser et valider cette idée avant fin octobre, de manière à laisser une plus large latitude aux collectivités en temps opportun, et nous pourrions en voter l’aménagement lors de la loi de finances.
Deuxième et dernier point : l’éolien.
J’avais attiré votre attention sur la nécessité de respecter le pacte conclu avec les communes qui avaient fait le pari de l’éolien.
Le dispositif nouveau actuel réduit des 2/3 les rentrées attendues, et cette fois sans aucune contrepartie de garantie, alors que les choix effectués correspondent à des impacts paysagers importants, et ceci de manière inéquitable, puisque souvent lié au degré d’instruction du dossier au moment de la promulgation de la loi.
Nous sommes face à une rétroactivité fiscale insoutenable qui remet en cause la parole même de l’Etat.
Notre rapport préconisait d’augmenter significativement le tarif de l’IFER à 6€, et d’en affecter totalement le produit au bloc communal sans partage avec les départements, qui ne se sont pas engagés politiquement dans ces choix. Les départements percevraient, bien sûr, une légitime compensation. Cette solution est la seule qui soit de nature à satisfaire le bloc communal et vos engagements. Nous souhaiterions que vous vous y rangiez, Madame la Ministre.
La solution consistant à se référer à la date d’urbanisme est inégalitaire et condamnerait la filière. Si nous voulons conserver la position actuelle au profit des départements en la figeant, je vous rappelle que le tarif devrait atteindre au moins 9€. Là aussi, nous comptons sur vous et sur le Parlement.
Au bénéfice de ces réserves importantes pour la péréquation, qui doit absolument rester le point de mire du Sénat comme le nécessaire élément d’une solidarité nationale entre toutes les collectivités de France, comme une marque de fabrique dirais-je, et de ces quelques considérations techniques d’apparence secondaires, mais que les 36 000 communes et les 3 000 communautés surveillent comme le lait sur le feu, je reconnais les modifications substantielles et les orientations intéressantes que le Gouvernement a apporté dans cette clause de revoyure. Je crois que tous les parlementaires de bonne foi peuvent s’en féliciter.
Mais je demande instamment à mes collègues de considérer qu’il s’agit d’une plate forme de base, qui attend nos améliorations puisque, pour l’essentiel, elles n’impacteront pas le budget de l’Etat.
Nous en serons comptables devant les collectivités de notre Pays, qui attendent de nos travaux lisibilité et solidarité, à travers une péréquation nouvelle enfin initiée.