10 avril 2015, 10:04
Posté dans : Actualités
Personne ne peut contester la nécessité d’une refonte globale du système.
La DGF est devenue, aujourd’hui, la source d’une complexité et d’une iniquité au fil de la sédimentation de nombreuses réformes intervenues depuis plus d’un demi-siècle, et qui n’ont pas su se passer d’un système de garanties successives, tout en maintenant des acquis d’origine qui sont devenus anomalies.
La DGF n’a pas intégré les phénomènes essentiels qui sont intervenus durant ce laps de temps : désindustrialisation et sectorisation territoriale de l’économie, naissance et généralisation de l’intercommunalité, retrait des services publics, réforme de la taxe professionnelle, crise et mutation de l’économie depuis 2008…
La seule réponse, moderne et pertinente, bien que perfectible, qui ait été proposée est celle de la péréquation horizontale, en ce sens qu’elle tire les conclusions de la modification profonde et durable de la géographie des richesses, de sa réduction relative et qu’elle décide de l’inscrire dans le cadre d’une appréciation territorialisée.
Enfin, alors que la plupart des réformes et des inclinaisons se sont produites jusqu’en 2004, en périodes de croissance qui dégageaient des marges de manœuvre, pour la première fois la réforme s’inscrit, cette fois, dans un contexte de réduction des ressources et de baisse de la DGF.
Partant de ces quelques éléments, il peut être intéressant de se demander quelles peuvent être les conditions d’une réponse adaptée et s’interroger sur l’évolution parallèle que devrait suivre son environnement immédiat.
Les conditions d’une réponse adaptée :
- La réalisation d’un état des lieux de la richesse et des charges sur une maille territoriale pertinente et de manière agrégée s’impose. Elle devrait être celle des bassins de vie, type interco, réduisant ainsi la problématique à 2 300 entités.
- L’analyse et la constitution d’échantillons de typologie comparables, pour en déterminer les ratios et rendre plus concrets les critères et les indices synthétiques, s’en déduiraient logiquement, à l’instar de ce qui peut être réalisé pour les départements, car le système des strates communales est devenu obsolète en l’état.
- Imaginer ensuite jusqu’à quel point on pourrait tracer les chemins d’une dotation territorialisée, en se basant sur les éléments agrégés du territoire (commune + interco) ne paraitrait alors pas incongru.
- Il serait important d’établir, en sus, notamment pour les territoires ruraux, une dotation de centralité (il y a quelques 4 000 bourgs-centres) qui serait alors adaptée à la typologie retenue notamment pour le secteur rural. Un dispositif identique pour un équivalent DSU territorialisé s’imposerait également.
- Des règles de garantie au profit des communes composant le territoire, si l’unanimité n’est pas obtenue, ainsi qu’un processus intermédiaire avec une majorité qualifiée, s’avéreraient, bien sûr, indispensables.
A partir de ces éléments, il faudrait imaginer un processus de mise en œuvre :
Le système proposé ayant fait table rase de toutes les garanties anciennes, il conviendrait alors de conserver en vis-à-vis, la somme des dotations actuelles et prévoir un lissage dans le temps avec garantie (qui pourrait être long : 20 ans, pour permettre l’extinction de la garantie et la progression vers la nouvelle norme au même rythme +/- 5% l’an, à l’instar de ce qui fut originellement prévu pour le FNGIR…).
Sans doute devrions-nous moderniser le FPIC, qui pourrait conserver tout sa pertinence si nous en corrigeons les défauts actuels (commune pauvres dans un ensemble riche et inversement, affinement du critère revenu vers un « reste disponible », limitation de l’effort fiscal à 0,90 au moins tant que la révision des valeurs locatives ne sera pas aboutie…)
Il nous faudra, bien sûr, poursuivre la réforme des valeurs locatives, contre vents et marées, tout en ajoutant des correctifs pour régler le problème entre les centres villes et les zones périphériques. Ces correctifs devront éviter de fausser la notion d’effort fiscal.
Outre ce cheminement, la prudence et le réalisme nous imposeront nécessairement quelques précautions :
Le processus ne tient pas compte de la contribution des collectivités territoriales au redressement des finances publiques, laquelle devrait être inclinée pour s’appliquer sur 2 à 3 ans supplémentaires, faute de quoi un grand nombre de collectivités va se trouver en défaut de paiement, phénomène de nature à compromettre l’application de toute réforme.
Enfin, la fiscalité pure ayant ses limites, il faudra aussi tenir compte du cadre politique. La plupart des experts ou gens avertis partage la vision technique d’un besoin incontournable de territorialisation de la DGF, pour lui permettre de faire face aux exigences contemporaines.
Toutefois, la préconisation se heurte, au plan politique, à la force de l’attachement à la commune, aujourd’hui accentuée par un renouveau identitaire et culturel qui dépasse le clivage traditionnel urbain/rural. Pour progresser dans ce sens, il faut, à mon avis, déconnecter l’identité communale citoyenne et culturelle de celle de la collectivité d’efficience économique et de services (la seconde est généralement admise comme plus pertinente sur un territoire plus vaste).
Pour ce faire, il faut sécuriser tout début de mise en œuvre du processus attendu par de fortes garanties accordées à la cellule de base, la commune. C’est d’ailleurs le sens de la création de la commune nouvelle. Alors, il importera de laisser le bon sens du terrain aller plus loin si affinité, mais il est évident que l’Etat et le Parlement doivent initier le mouvement en permettant cette évolution, c’est-à-dire en donnant les moyens chiffrés, techniques et législatifs de cette option.
Charles Guené